Cette semaine je suis tombée sur une polémique à propos de l’éducation positive. La problématique soulevée concernait la punition : faut-il punir un enfant qui ne respecte pas les règles ? Comment punir un enfant qui ne respecte pas les règles ? Dans cette vidéo, ce que revendique particulièrement Caroline Goldman, psychologue pour enfants, c’est le fait que le concept de parentalité positive ait été importé en France, en tronquant la partie punition (si la question vous intéresse, vous retrouverez la vidéo ici https://www.youtube.com/watch?v=ujZ-tGUNUHw).
Je ne rentrerai pas dans ce débat-là, mais j’ai néanmoins trouvé que ce sujet en rappelait un autre : celui du management 3.0, à qui il manque aussi parfois un petit morceau qui peut avoir de lourds impacts.
En effet, une des oppositions que j’ai beaucoup rencontrée de la part de managers était : « si je fais du management 3.0, ça va être le bazar ».
Tronquez le cadre, vous obtiendrez du chaos
C’est ainsi l’occasion de rappeler que non, le management 3.0 ce n’est pas la foire à la saucisse. Jurgen Appelo a d’ailleurs clarifié le positionnement du management 3.0, à mi-chemin entre le chaos et la rigidité. Je n’en n’ai pas retrouvé la référence mais je suis toutefois tombée sur ces quelques slides que je vous invite à parcourir : https://www.slideshare.net/jurgenappelo/agile-management-authority-delegation. En voici le slide 5 pour illustrer mon propos :
Voyez-vous où je veux en venir avec cette histoire de chaos ? Le chaos n’est pas une conséquence du management 3.0. C’est une conséquence d’une application tronquée, partielle du concept, un peu comme dans ce débat à propos de l’éducation positive, où il manquerait la punition. Et dans le management 3.0, cette petite pièce de puzzle parfois manquante, c’est ….. (roulement de tambour)…. le cadre ! N’oublions pas que le management 3.0 n’est pas une absence de manager, ce n’est pas un abandon de l’équipe. Pour qu’une organisation fonctionne bien, il lui faut un minimum de règles communes. Le manager est présent et a un rôle à jouer : être garant du cadre en fait partie. Nous allons donc parler de cadre, de règles, de limites.
Poser le cadre
Sans cadre, pas de règles communes. Les règles permettent à des humains de vivre en groupe. « Tu ne tueras point » en est un exemple plutôt équivoque. L’autorité hiérarchique que représente notre manager doit définir ce cadre. Définir, ça ne veut pas forcément dire imposer ! Utilisons plutôt le terme « animer ». Au plus les équipiers sont associés à la définir du cadre et des règles, au plus ils seront engagés à les respecter.
Un cadre, une règle, une limite doivent avoir un sens :
- Pour quoi avons-nous besoin de cette règle ?
- Qu’est-ce qu’elle doit nous permettre de faire ?
La règle prendra en compte les besoins de l’équipier, de l’équipe (dont le manager), de l’organisation.
Pour animer le cadre et les règles qui le compose, le manager peut le faire de 3 manières différentes : imposer, consulter, déléguer. Dans les slides de Jurgen Appelo, vous découvrirez en tout sept niveaux différents proposés par le delegation poker (outil qui permet d’étalonner le niveau de délégation et d’expliciter des demandes ou attentes).
Je vous propose de prendre un exemple très ancré dans l’actualité : le télétravail. Voici comment le manager pourrait animer le cadre associé à cette thématique :
- Imposer (1.0) : c’est ce qui s’applique mécaniquement aux directives d’entreprise sur lesquelles le manager n’a pas son mot à dire. Dans notre exemple, c’est le cadre défini par l’entreprise (X jours sur site, X jours en remote, …). Le manager pourrait ensuite décider que toute l’équipe viendra le lundi sur site, puis chacun fait comme il veut le reste de la semaine.
- Consulter (2.0) : il consulte l’équipe et décide. Il pourrait demander à chaque équipier le rythme de télétravail qu’il préfère, puis décider d’une proposition qui conviendrait au plus grand nombre.
- Déléguer (3.0) : il laisse l’équipe prendre la décision. Mais alors même ici, il y a un cadre à définir. Qu’est-ce que cette décision doit permettre de faire ? Quelles limites doit-elle respecter ? Le manager pourrait proposer à l’équipe de décider de l’organisation à mettre en place, avec la contrainte que toute l’équipe doive se retrouver sur site une fois par semaine pour la convivialité et l’exécution de travaux collaboratifs.
Recadrer
Sans cadre, pas non plus de recadrage. Continuons avec l’exemple du télétravail. Le manager qui a animé la définition du cadre va pouvoir rappeler à l’ordre ceux qui sortent des clous. Que faire en cas de sortie de route ?
- Rappeler la règle et engager la personne à trouver la manière dont elle va s’y prendre pour la respecter
- Ajuster le cadre : c’est peut être l’occasion de revoir la règle si celle-ci est caduque
- Définir une exception, pourquoi pas. Comme pour le cadre, l’exception a besoin d’un sens
- Sanctionner : après plusieurs recadrages ratés, c’est peut être malgré tout l’heure de la punition. Référez-vous à vos ressources humaines si vous pensez en être à ce stade.
Enfin, comment recadrer sans cadre ? S’il manque une règle, si elle n’est pas explicitée, c’est alors l’opportunité parfaite de la mettre sur la table et d’enrichir le cadre commun. De toute façon, vous n’allez pas vous enfermer pendant des jours pour définir une liste de règles exhaustives : elles apparaîtront au fur et à mesure. Et dans une implacable démarche d’amélioration continue, elles évolueront régulièrement pour être toujours au plus près des objectifs qu’elles servent.
En résumé
- Trop de cadre = rigidité, pas assez de cadre = chaos : il faut un juste milieu
- Définir les règles avec les personnes concernées permet de les engager à les respecter
- Une règle doit avoir un sens, répondre à un besoin, servir un objectif
- Les règles sont mouvantes, il faut veiller à pouvoir les adapter quand nécessaire.
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